“Le pouvoir des grands” de Nicolas Herpin
Mon verdict
Un livre qui illumine parfaitement une pièce du puzzle qu’est le corps humain. Les éditions La Découverte montrent encore une fois qu’elles sont au-dessus du lot.
9/10
« Le pouvoir des grands » de Nicolas Herpin
Saviez-vous qu’après avoir suivi 1.8 millions de conscrits suédois sur 31 ans, on s’est aperçu qu’une augmentation de 5cm de la taille diminuait les chances des hommes de se suicider de 9% ? Autrement dit, les petits se suicident plus que les grands.
Voilà le genre de chiffre dont Nicolas Herpin nous abreuve dans « Le pouvoir des grands », écrit par Nicolas Herpin aux éditions « La Découverte » en 2006, qui est l’un des meilleurs livres que j’ai pu lire depuis bien longtemps.
Le but du livre est de nous faire prendre conscience de l’avantage qu’est la taille, principalement chez l’homme. En effet, il traite essentiellement de la problématique de la taille chez l’homme car Nicolas Herpin dit, dans l’émission de « La tête au carré » du 7 novembre 2011, qu’il n’a pas observé d’effet extraordinaire chez la femme par rapport à la taille.
A ce moment-là, je me demande si Nicolas Herpin a un biais sexiste ou s’il n’a vraiment pas observé d’effet extraordinaire chez la femme par rapport à sa taille.
Pour mieux présenter cette œuvre, je vous la présenterai en 5 parties :
I. Ce que l’histoire nous apprend sur la taille.
II. Comment la taille influence le monde du travail et nos finances personnelles.
III. Comment la taille influence les relations sexuelles amoureuses
IV. Les perceptions de la taille
V. Mes conclusions personnelles
I. Ce que l’histoire nous apprend sur la taille
Selon Nicolas Herpin, la taille n’est pas un trait ethnique mais un capital humain de santé.
Ainsi, un pays aura des individus aussi grands qu’il les nourrit bien. Il explique que dans la seconde moitié du 18ème siècle, la France et l’Angleterre avaient des terres moins fertiles que les Etats-Unis. Les colons étasuniens étaient mieux nourris grâce à une meilleure agriculture ainsi qu’au fait qu’une majorité d’entre eux habitaient près des côtes et avaient accès au poisson pour des calories et des protéines faciles.
De plus, la France avait moins de calories par habitant que l’Angleterre car sa redistribution des richesses était horrible.
En conséquence, les étasuniens avaient une taille proche de la moyenne actuelle tandis que les français et les autrichiens avaient 10 centimètres de moins que la moyenne actuelle.
Ainsi, la taille des habitants d’un pays dépend de la qualité de sa production alimentaire mais aussi de sa redistribution des richesses.
Encore une fois, la science montre que le capitalisme est nuisible pour tous.
L’auteur prend l’exemple d’une étude faite sur des guatémaltèques, habitants du Guatemala. Les scientifiques ont étudié la taille d’une génération composée de deux populations :
1) La première est restée au pays.
2) La seconde a émigré aux Etats-Unis.
Tous les sujets de l’expérience ont été mesurés dans les années 70 au Guatemala et 30 plus tard.
Il s’est alors avéré, qu’en moyenne, la population ayant émigré aux States mesurait 10cm de plus que la population étant resté au Guatemala.
Dans ce pays, il existait une grosse différence de taille entre les descendants des colons d’espagnols riches et les Indiens Mayas pauvres. Le consensus scientifique pensait que c’était dû à une caractéristique génétique. Cette étude a permis de montrer que c’était dû à un manque de calories et donc une mauvaise répartition des ressources.
C’est effrayant et limpide : passer ses années de croissance à lutter contre la faim, le froid et la maladie car on n’a pas assez de calories fait que vous n’atteignez pas votre taille maximale.
Les pays inégalitaires qui redistribuent très mal les richesses produisent donc des hommes plus petits. A savoir qu’une juste répartition des richesses fait davantage grandir les pauvres qu’elle ne fait rapetissir les riches.
Les pays inégalitaires se tirent une balle dans le pied car les hommes plus petits ont ensuite une capacité de travail moindre.
C’est ce que nous allons explorer dans la deuxième partie.
II. Grandes et petits : des inégalités importantes
En premier lieu, l’auteur explique que les grands étaient privilégiés, avant l’avènement du secteur tertiaire, pour effectuer les travaux manuels. Plus un homme était grand, plus il était fort et donc précieux pour une tâche manuelle.
Il continue en disant que les grands sont toujours plus productifs, même dans les taches non manuelles. Les grands sont également jugés beaucoup plus efficaces dans les tâches d’encadrement.
C’est un héritage transmis des tâches manuelles où les grands ont gardé une position avantageuse alors qu’on n’a plus besoin de leur force.
Les pauvres étaient et sont plus petits car le travail pénible, au même titre que le froid, la faim et la maladie, réduit drastiquement les chances d’atteindre son potentiel de taille. Or, les pauvres ont plus de chance d’être employés dans des jobs pénibles pendant leur croissance que les plus riches.
La taille est un potentiel et un indicateur énorme dans le monde du travail et des études.
Revenons à nos conscrits suédois : il a été étudié que 43% des conscrits suédois mesurant plus d’1m94 avaient fait au moins un an d’études. Si on prend ceux mesurant moins d’1m65, ils ne sont que 22%.
La taille est également un facteur différentiel en termes de salaire. Un pouce (2.54cm) ajoute 1.8% de salaire au Royaume-Uni et 2.2% aux USA.
Aux USA, un pouce permet à un homme de gagner 789 dollars de plus par an qu’un homme mesurant un pouce de moins.
Toujours aux USA, un homme mesurant 1m82 gagne en moyenne 5525 dollars par an de plus qu’un homme mesurant 1m65. C’est ce que l’auteur appelle « la prime à la taille ».
Ainsi, on peut constater un certain illogisme dans le fait que les hommes les plus grands font plus d’études et moins de métiers pénibles alors qu’ils sont en moyenne plus forts que les plus petits et donc plus aptes aux tâches manuelles.
Il est effrayant de constater que la taille est un facteur de discrimination aussi important.
III. Des origines de cette discrimination
Comme nous l’avons vu plus tôt, une mauvaise redistribution des richesses entraîne une diminution de la taille des personnes qui n’ont pas accès à un nombre de calories suffisant.
Nicolas Herpin trace cette origine à l’enfance et l’adolescence. En effet, il s’est aperçu que la prime à la taille s’applique sur la taille à l’adolescence et non pas sur la taille à l’âge adulte.
Il explique ce phénomène par le fait que les plus petits se font deux fois plus brutaliser que les autres. En subissant ceci, ils voient leur confiance fondre au soleil.
De plus, les adolescents plus petits sortent plus tard avec des filles, que leurs camarades plus grands, car les adolescentes recherchent des partenaires plus grands et plus âgés.
La brutalité subie et le fait de connaître les premiers rapports amoureux plus tard diminue la confiance des plus petits ainsi que leur capacité à s’engager dans des études. Ils seront aussi moins aptes à négocier leurs salaires à la hausse.
IV. Les perceptions de la taille
Toute notre perception sociale va s’axer également autour de la taille et on va juger (principalement) les hommes selon leur taille.
Par exemple, Nicolas Herpin a observé que les grands captent plus de postes de direction dans le privé que dans le public
Grâce à leur confiance accrue, les grands prennent plus de risques que les plus petits et sont davantage promus dans le privé où la taille sert de reconnaissance de la compétence.
En plus de cette discrimination à la taille favorisée dans le privé, le secteur public inflige également cette souffrance…dans l’armée : les officiers promus sont en moyenne plus grands.
C’est à ce moment-là où on pourrait dire que les secteurs menés par des politiques conservatrices ont tendance à sélectionner sur des critères superficiels d’apparence.
Enfin, beaucoup d’expériences ont été faites auprès d’étudiants pour juger leurs croyances.
Premièrement, les étudiants jugent les plus petits plus passifs, plus timides, plus immatures, plus inhibés, moins ouverts, moins capables, moins confiants et moins masculins.
A noter que les hommes petits partagent également cette croyance.
Deuxièmement, une expérience a été menée où des hommes ont été présentés à des groupes d’étudiants en les introduisant respectivement comme étant un :
1) Etudiant
2) Assistant
3) Professeur
Il était ensuite demandé aux étudiants d’estimer la taille des hommes qu’on venait de leur présenter, le professeur gagnait en moyenne 5cm de plus que les étudiants dans ces estimations.
La taille est donc complètement intériorisée comme marqueur de statut social et de domination.
V. Conclusions et pensées personnelles
J’ai adoré ce livre, c’est l’un des meilleurs livres que j’ai pu lire de ma vie. J’ai adoré la diversité par laquelle Nicolas Herpin cherche à montrer l’influence de la taille dans nos vies. Ce livre m’a étonné car il a éclairé des aspects de la vie qui sont quotidiennement sous nos yeux.
J’ai trouvé ça incroyable à quel point la taille influence négativement les hommes petits et favorise les grands.
Et c’est là le point difficile de ce livre : Nicolas Herpin finit ce livre en écrivant que la France n’est pas encore mûre pour un problème social de plus. Mais il ne va pas plus loin. J’ai envie de m’essayer à cet exercice :
A. Comment traiter une discrimination touchant les dominants ?
Comme nous l’avons vu, tout montre que la taille est un facteur de discrimination. Mais comment traiter une discrimination de plus ? Il en existe déjà tellement. Doit-on prioriser le traitement des discriminations ?
La discrimination à la taille touche davantage les hommes selon Nicolas Herpin. Je pense d’ailleurs que tous les hommes ressentent l’importance de la taille au cours de leur vie : les plus petits vont être davantage brutalisés, puis ils vont être moins bons en sport, ils vont moins plaire aux filles. Bref, tous les ressentis confirmés par le livre de Nicolas Herpin.
Ce dernier l’a bien illustré : la taille chez l’homme est un critère de séduction important.
Or, au même titre que pour les hommes atteints de calvitie, il est difficile d’évoquer ces deux caractéristiques physiques comme étant des cibles de discrimination car ce sont les hommes blancs qui s’en plaignent le plus.
L’homme blanc est bien assez avantagé dans notre société et toute plainte de sa part sonne, assez justement, comme étant déplacé.
Pourquoi est-ce que les groupes oppressés devraient-ils se préoccuper d’une discrimination touchant les dominants… exprimée par les dominants ?
B. Une discrimination peut en cacher une autre
Ceci nous renvoie alors à la stratégie de la gauche actant qu’il ne faut pas classer les discriminations. Les militants disent régulièrement qu’il ne faut pas agir ainsi pour pouvoir les combattre efficacement.
Or je pense que l’angle mort de cette stratégie surgit lorsqu’une discrimination peut toucher le groupe dominant. La taille et la calvitie sont souvent déconsidérées par les militants de gauche car elles vont provenir d’hommes blancs voir de masculinistes. Or, nous avons vu que cette discrimination est réelle et chiffrée en ce qui concerne la taille.
En gros, est-ce que l’homme blanc, et plus encore l’homme blanc bourgeois, peut-il être aussi victime de certaines discriminations spécifiques ? Devons-nous alors considérer les discriminations dont sont victimes les dominants ?
Pourquoi une femme devrait s’occuper d’une discrimination touchant un homme ? Pourquoi un salarié devrait-il s’occuper d’une discrimination touchant un patron ?
Pourquoi un prolétaire devrait-il s’occuper d’une discrimination touchant un bourgeois ?
Je pense que le peuple de gauche devrait s’occuper de toutes les discriminations pour compléter un puzzle complexe qui se dévoilerait pièce par pièce. En s’intéressant à ces problématiques, on comprend plus finement les liens sociaux et les mécanismes d’interaction entre les divers groupes sociaux.
Ainsi, on sait que les hommes sont également victimes du patriarcat (ils sont les auteurs de violences, ils vont moins se faire soigner, moins manger de nourriture « saine », ils vont moins apprendre à exprimer leurs émotions…). Tout cela a un coût sur leur vie et leur âme mais aussi un impact sur leur capacité à lutter contre la bourgeoisie.
De plus, comprendre et s’intéresser aux discriminations revendiquées par les dominants peut permettre de comprendre que cette discrimination ne leur est pas exclusive. Que cela soit directement ou par rebond.
C. Une discrimination sera toujours l’affaire de tous
a. Une affaire de lutte sociale
C’est tout d’abord l’affaire de tous car nous avons vu que, plus un pays est inégalitaire en répartition de ressources, plus sa population est petite. Une répartition juste fera davantage grandir les pauvres qu’elle ne fera rapetissir les riches.
Nous avons également vu cette étude sur la comparaison d’une population guatémaltèque migrante et d’une autre restée au pays. La première avait 10cm de plus que la deuxième car elle avait accès à la calorie.
Cela permet alors de comprendre que des jeunes personnes doivent être correctement nourries tout au long de leur croissance pour atteindre leur taille maximale et avoir accès à leur plein potentiel.
Ca signifie aussi qu’il faut une politique de nutrition nationale ambitieuse.
Enfin nous avons vu que les plus pauvres ont plus de chances de travailler tôt dans un job pénible en étant mal nourri et donc de ne pas atteindre leur taille potentielle.
La taille est un enjeu d’égalité sociale entre les différentes classes. Mais elle est aussi un enjeu de genre.
b. Une affaire de lutte sexiste
En effet, qui souffre de mise au régime forcé ? Les jeunes filles et les femmes. Combien d’élèves femmes ai-je eu qui luttaient pour perdre de la masse graisseuse et gagner de la masse musculaire ? Malheureusement beaucoup.
Elles partageaient toute une caractéristique commune : elles avaient été mises au régime par leur mère dans leur enfance ou leur adolescence.
Il s’agit d’une discrimination directe mais j’ai parlé de rebond. En rappelant ça, je pensais au fait que les femmes sont attirées par les hommes les plus grands. Ces derniers gagnent plus d’argent, ont des positions dominantes, se suicident moins, ont eu une enfance moins difficile.
Bref, ils sont de meilleurs partis selon les critères de sélection actuels.
c. La taille : un critère de la masculinité hégémonique à gommer
Sélectionner son partenaire selon la taille revient à sélectionner selon l’un des critères de la masculinité hégémonique actuelle. Masculinité hégémonique qui est responsable du sexisme, de l’homophobie et d’un virilisme néfaste pour tout le monde.
Ainsi, en reconnaissant l’existence de la discrimination selon la taille, on peut lutter contre elle et éduquer la population afin qu’elle ne fasse pas des choix selon un biais qui rendra davantage de gens malheureux.
En ne sélectionnant pas ses partenaires selon la taille, la femme participe à lutter contre la masculinité hégémonique qui est un facteur important du patriarcat.
En ne sélectionnant pas les managers selon la taille, les structures de travail participeront à forger un monde plus juste qui ne se base pas sur des critères ineptes.
Ca sera là mon mot final : je pense qu’il faut s’intéresser à toutes les discriminations. Même si elles sont en apparence l’exclusivité d’un groupe dominant, je pense qu’elles auront toujours un impact négatif sur le reste de la population, de manière directe ou indirecte.
Deuxièmement, même si la discrimination touche quasi-exclusivement le groupe dominant, il faut comprendre la nature de cette discrimination. Si cette dernière empêche le groupe dominant d’accéder à une intelligence émotionnelle et à des compétences d’empathie, le groupe dominant continuera à être cruel, insensible et malveillant.
Je ne dis pas que les opprimés doivent se préoccuper de la santé mentale des oppresseurs mais que cela peut faire d’une stratégie parmi une multitude d’autres.
Enfin, en étudiant les discriminations telles que la taille. On peut également conclure qu’elle n’est qu’une discrimination périphérique. Demain, en réglant la lutte des classes et le patriarcat, la discrimination à la taille disparaîtra d’elle-même. La meilleure répartition des ressources augmentera la taille des plus pauvres tandis que la dissolution du patriarcat fera que la masculinité hégémonique n’imposera plus la taille comme un tel attribut de compétence et de désir.
Bref, ce livre est une merveille car il m’a permis de me concentrer sur un point précis de notre corps et d’en comprendre toutes les conséquences sur nos vies. J’aime de plus en plus ces livres qui permettent de comprendre une pièce du puzzle de la vie et qui se répandent sur toutes les autres pièces.
Une œuvre extrêmement intéressante qui pourra plaire aux plus grands comme aux plus petits.