La créatine
Introduction
La créatine est, depuis la fin des années 90, l’objet d’une chasse aux sorcières. Elle a d’abord été utilisée pour couvrir la prise d’EPO et d’anabolisants chez les footballeurs, notamment pendant le fameux scandale de la Juventus dont les joueurs avaient pour consigne de dire :
« Non mais on prend juste de la créatine »
Ceci servait de diversion vu que la prise de créatine était légal mais le produit était inconnu et donc hautement lié aux produits dopants afin de couvrir la prise de ces deniers. Elle a ensuite été l’objet de polémiques dans le monde du rugby à chaque fois que les français perdaient. Elle servait de prétexte pour expliquer la différence supposée de taille et de puissance entre les français et les autres. Depuis, la créatine revient régulièrement quand un média s’ennuie et n’a rien à se mettre sous la dent. On va alors mettre lui mettre un cancer sur le dos ou au mieux la diaboliser sur du vide, sans argument.
Qu’en est-il vraiment ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
I. Définition
La créatine est un dérivé d’acide animé présent dans les fibres musculaires (95%). Le reste est détenu par le cœur, le cerveau et les testicules. Elle sert à apporter de l’énergie principalement dans les fibres musculaires. Elle a été découverte en 1832 par le chimiste français Eugène Chevreul.
Elle est synthétisée principalement par les reins et le foie à partir de la glycine, de l’arginine et de la méthionine. Elle provient à moitié de la synthèse endogène (c’est-à-dire qu’elle est produite par le corps) et de l’alimentation. Manque de bol pour les végétariens, la créatine est principalement présente dans les viandes (principalement la rouge) et le poisson.
Néanmoins, la synthèse de créatine serait possible en consommant des aliments riches en acides animés cités, donc des amandes pour la glycine, des légumineuses pour l’arginine et du fromage pour la méthionine.
II. Histoire et Lois
La créatine a été l’objet d’une chasse aux sorcières pendant un bon bout de temps, des années 90 au milieu des années 2000. Malheureusement, elle n’a jamais été médiatiquement blanchie et a encore aujourd’hui mauvaise presse dans l’opinion publique. Ainsi, si vous faites l’erreur de déclamer que vous prenez de la créatine pour améliorer vos performances sportives à une soirée, on vous dira que :
Vous allez abîmer vos reins.
Vous allez devenir un blob plein d’eau.
Vous allez choper le cancer.
Avoir des crises cardiaques.
Vous l’aurez compris, la créatine ne fait pas l’unanimité.
Tout commence par la vente libre de créatine en Europe à la fin des années 90. Logiquement, les vendeurs veulent s’emparer du marché français mais ils se cognent à un obstacle de taille : la liste officielle des compléments alimentaires de 1912. Sans grande surprise, la créatine n’y figure pas et la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) n’approuve pas ce deal et le gouvernement entame plusieurs actions pour soutenir son institution :
Il attaque les vendeurs de créatine en justice.
Il commence une bataille médiatique en disant que leurs agents saisissent un max de créatine mélangée à des anabolisants et donc que la créatine est un synonyme de danger (raisonnement complètement idiot, mais bon…soit).
Il confie une étude à l’AFSSA pour avoir une crédibilité scientifique.
En 2000, l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) balance leur rapport en disant que la créatine peut être potentiellement cancérigène. Les « experts » de ce comité avaient omis toutes les études positives sur la créatine (et pourtant, il y en avait une sacrée quantité) tout en sélectionnant celles qui les arrangeait. Mais ces petits malins sont allés encore plus loin dans la mauvaise foi en interprétant les résultats à leur sauce. Ainsi, le docteur Markus Wyss, l’auteur d’un de leurs papiers sur lequel il se basait fortement a confirmé que ses résultats avaient été falsifiés et sortis de leur contexte.
Sigh.
A leur décharge, ils n’ont pas dit que la créatine était un produit dopant mais qu’il était inutile pour un effort sportif et que l’alimentation suffisait amplement (re-sigh). Mais trop tard, le mal était fait. Du coup, c’était super rigolo parce que d’un côté, on avait les instances européennes qui disaient :
« Vas-yyyy maaan, tu peux prendre de la créatine »
et de l’autre, les vilains français qui disaient :
« Bon, on va interdire la créatine à la vente mais pas à la consommation parce que sinon, on serait hors la loi ».
Du coup, ils essayaient de condamner les vendeurs sans jamais y arriver parce que l’Europe leur tombait dessus à chaque fois. Vers 2004-2005, les vendeurs de créatine gagnent la bataille juridique et la France est bien forcée d’accepter la vente libre de créatine en France.
ET VOILA COMMENT ON CREE UNE PSYCHOSE LES COPAINS.
A noter que l’AFSSA est aujourd’hui une part de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation). Chose qui était nécessaire à mon avis vu que l’AFSSA est devenue la risée de de la communauté scientifique internationale en publiant ce fameux rapport (rapport qui n’est d’ailleurs plus disponible aujourd’hui sur leur site). En conséquence, les médias se sont emparés de cette affaire juteuse pour bien charger la créatine sans jamais chercher à vérifier leurs sources (ça aurait fait trop de travail) et ont réussi leur objectif : effrayer la population sur ce sujet.
Ils l’ont d’ailleurs tellement bien fait qu’on en parle encore aujourd’hui avec le cas de Florent Manaudou et régulièrement dans des journaux en manque de sensations. Ils ne sont jamais précis et parlent souvent de produits mélangeant plusieurs substances en plus de la créatine. On observe alors que la désinformation touche chaque classe de la population. Même ceux qui devraient être instruits.
Ce qui est un peu blasant quand on sait que l’une des autorités suprêmes, le Comité International Olympique (CIO) ne condamne pas la créatine. Il la recommande même dans leurs guides nutritionnels.
III. Effets
1. Les effets positifs
Maintenant que l’on sait que les bêtises écrites sur la créatine sont fausses et que le flou juridique a été levé en France. Nous allons nous intéresser aux effets et essayer de déblayer les mythes.
Déjà, on va énoncer la base de l’utilité de la créatine. Non, elle ne va pas vous donner des gros muscles d’un claquement de doigt. Non, elle ne va pas augmenter votre force en un éclair. Par contre, elle va augmenter votre capacité à faire des efforts brefs. Par exemple, elle va permettre à un powerlifter de faire quelques répétitions de plus au soulevé de terre. Elle va permettre à un handballeur de faire quelques 1vs1 dynamiques en plus. Elle va permettre au nageur d’effectuer quelques coups de bras vigoureux supplémentaires.
Vous avez capté le truc ?
En aucun cas la créatine n’est magique, elle augmente juste votre potentiel de travail mais si vous ne travaillez pas, vous resterez à plat. Du coup, si vous bossez avec l’intensité et l’intelligence nécessaire en prenant de la créatine, on constate effectivement les effets suivants :
Augmentation de la force
Augmentation de la masse musculaire
Augmentation des efforts anaérobiques répétés
Donc, c’est parce que vous allez réussir à faire une répétition de plus avec vos 100 kilos au développé couché que vous allez devenir plus fort.
C’est parce que vous avez réussi à faire 10 au lieu de 8 répétitions au squat que vos quadriceps vont devenir plus massifs.
C’est parce que vous avez effectué 10 rounds de 20 secondes à la Battle Rope au lieu de 8 que vous allez pouvoir répéter des efforts plus fréquemment.
Du coup, la créatine est bénéfique pour tout sport avec des efforts répétés et/ou intenses.
De plus, la créatine aurait également des effets bénéfiques périphériques sur la santé et ils sont :
Une meilleure résistance aux inflammations en post-exercice.
Amélioration des performances du cerveau.
Amélioration de la mémoire à court et long terme pour les végétariens.
Prévention du vieillissement des cellulles.
Aide à la récupération des maladies pulmonaires.
Améliore le contrôle glycémique chez les diabétiques de type 2.
Aide contre l’arthrose aux genoux.
Bien entendu, tous ces bénéfices sont minimes et ne doivent être pris comme les effets de la potion magique de Panoramix. Néanmoins, je pense que l’on peut en retirer l’idée que la créatine est bénéfique de manière générale.
2. Les mythes sur les effets négatifs
A présent que nous avons exposé les effets positifs de la créatine, nous allons nous attaquer aux mythes qui entourent la prise de la créatine et qui sont pratiquement toujours négatifs.
a. Les reins
C’est le premier truc qui revient à chaque fois. Que ça soit avec les protéines ou la créatine, les reins sont l’organe qui sert de cible facile :
« MAIS TU PRENDS DE LA CREATINE ? MAIS TU VAS TE BOUSILLER LES REINS ! »
C’est assez amusant quand tu sais que ces propos proviennent de personnes qui viennent de se rappeler qu’ils avaient des reins quand tu leur as parlé de créatine mais bon. Hein. bon.
Qu’en est-il en réalité ? Ben quedalle, rien, nada. Une étude 1998 a quand même suivi des consommateurs de créatine pendant 5 ans et ils n’ont rien relevé sur les reins. Ah oui, j’entends tous ceux qui disent « BLUBLUBLU 1998. CA DATE. BLUBLUBLU ». Donc pour te faire plaisir, voici une plus récente et une autre.
En plus, ce qui est drôle (encore une fois, la créatine est décidément très drôle), ceux qui disent ces carabistouilles n’apportent jamais de preuves concrètes quant aux effets négatifs de la créatine. Par contre, vu que je suis un honnête homme, on va quand même signaler qu’il existe peut-être quelques rares cas où on a constaté un endommagement des reins et une prise de créatine. Est-ce que les deux étaient corrélés ? On ne sait pas. Donc, si tu n’as pas de problème de reins, aucun souci à se faire. Si tu en as…débrouille-toi avec ton médecin garçon.
b. Déshydratation et crampes
En fait, ce mythe vient d’une histoire de 1997 où trois lutteurs lycéens sont morts. Leur coach ne les autorisait pas à boire, ils faisaient leurs séances physiques dans des SACS POUBELLES et faisaient du SAUNA.
MAIS BIEN SUR C’EST LA CREATINE QUI LES A TUES HEIN. C’EST LA CREATINE QUI LES A DESHYDRATES.NDJZEHFUEZHGEZHGEJZ.
Ah oui, puis on a su plus tard qu’aucun lycéen ne prenait de la créatine. Certains prenaient parfois des protéines.
Non, la créatine ne déshydrate pas. Au contraire, elle aide à lutter contre les crampes et la déshydratation grâce à l’augmentation de l’hydratation intra-cellulaire.
c. La rétention d’eau
Déjà, on va définir la rétention d’eau. Parce que je crois que ce sujet est ce qu’il y a de plus pourri dans les arguments critiques contre la créatine. En gros, les détracteurs de la créatine disent que ceux qui en consomment ont des muscles plein de flotte, donc des muscles tout nazes.
Première chose : 75% du muscle est constitué d’eau. Donc l’eau est un élément bénéfique du muscle. C’est simple mais il était nécessaire de le rappeler.
Deuxièmement, une rétention d’eau, c’est sous-cutané, ça forme des oedèmes. Or, l’accumulation d’eau due à la créatine est intra-musculaire.
En conclusion, la créatine apporte bien de l’eau dans le muscle et non sous la peau. Donc la créatine ne cause pas de rétention d’eau.
IV. Prise
3. Le type de créatine
Vous souhaitez prendre de la créatine en complément alimentaire ? Voici quelques conseils.
Tout d’abord, vous devez savoir qu’il existe plusieurs sortes de créatine :
La monohydrate
L’ethyl ester
La créatine phosphate
La créatine citrate
La créatine malate
La créatine gluconate
La Kre-alkalyn
Bon, vous avez compris, c’est relou. Il y a beaucoup de choix. Donc, pour ne pas se prendre la tête et par mesure de sécurité, il est recommandé de prendre de la créatine monohydrate. Pourquoi ? Parce que c’est celle qui a été le plus largement étudiée par la communauté scientifique.
Je pense honnêtement qu’il peut y avoir de la place pour d’autres types de créatine mais étant donné l’atmosphère suspicieuse autour de la créatine, il me paraît plus intelligent de commencer par de la créatine sécurisante et de se faire ensuite ses tests une fois que l’on a développé une certaine expertise.
4. Les prises
Avant, il était recommandé de faire une charge de 20 grammes par jour pendant une semaine avant de revenir à une dose de 5 grammes par jour. De plus en plus, il est constaté que cette charge n’est que peu utile et qu’il vaut mieux se contenter de 3 à 6 grammes par jour. Si possible de manière espacée dans la journée (avec vos repas) pour une meilleure assimilation. De plus, tous les sportifs qui ont des catégories de poids à respecter devraient arrêter la créatine six semaines avant leur compétition.
V. Conclusion
En conclusion, la créatine est un complément alimentaire légal et qui, à présent, n’a présenté aucun défaut excepté sa prise un peu contraignante (penser à prendre plusieurs fois par jour sa dose, c’est embêtant, faut bien l’avouer). En conséquence, il me paraît évident que tout sportif de haut niveau un peu sérieux et dont l’activité comporte des efforts brefs et intenses en prend certainement étant donné qu’elle permet d’améliorer les performances.
Sources
Les affaires médiatiques :
1. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1246501-florent-manaudou-avoue-prendre-de-la-creatine-4-mises-en-garde-face-a-ce-produit.html
2. http://www.guide-proteines.org/creatine/mythes-creatine/creatine-scandale-afssa.html
3. http://www.regimes.net/la-creatine-le-derapage-scientifique/
4. http://www.creatinemonohydrate.net/creatine_newsletter_14.html
5. http://www.sudouest.fr/2012/03/21/la-creatine-retrouvee-est-interdite-en-france-664613-2147.php
6. http://www.lanutrition.fr/communaute/opinions/editorial/jeannie-longo-les-juges-et-la-creatine.html
7. http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2092
8. http://www.toutelacreatine.com/articles/proces-inko-creatine.php
Les études et résumés d’études sur la créatine :
1. http://www.olympic.org/Documents/Reports/FR/fr_report_833.pdf
2. https://s3.amazonaws.com/reportdownloads/The+Creatine+Report.pdf
3. http://www.jissn.com/content/10/1/26
4. http://link.springer.com/article/10.1007/s00421-007-0669-3
5. http://www.sportsci.org/jour/0001/inbrief.html
6. http://www.envie-sante.fr/Articles/complements-et-reglementation.html
7. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10449011